27 Sep Anonyme

J’allais me remettre à prendre une pilule. Mon copain de l’époque et moi avons manqué d’attention, et les règles me permettant de reprendre la pilule se sont fait attendre…
Quelques jours de retard sur mon cycle habituel, et puis, une énorme fatigue arrive. D’habitude, quand je suis fatiguée comme ça, c’est un début d’anémie due à un manque de fer. Mais étant sous fer, cette fatigue était nécessairement liée à autre chose. Alors, évidemment, je pense à un début de grossesse. Je fais un test urinaire, qui s’avère positif.

J'ai besoin d'en parler, et en même temps, j'ai tellement honte. Honte de ne pas avoir su me protéger, d'être enceinte à 22 ans, alors que je ne me sens pas adulte.

S’ensuivent des journées pleines de doute et de stress. J’ai besoin d’en parler, et en même temps, j’ai tellement honte. Honte de ne pas avoir su me protéger, d’être enceinte à 22 ans, alors que je ne me sens pas adulte.
L’annonce de ma grossesse à mon partenaire est difficile mais sa réaction est exemplaire. Il prend sa part de responsabilité dans cette grossesse non désirée, m’explique pourquoi il pense que ce n’est pas une bonne idée de garder l’enfant tout en me précisant que la décision doit être exclusivement mienne. Enfin, il m’assure de son soutien, quelle que soit ma décision.

Alors étudiante, à quelques semaines d’une longue série de stages, en couple depuis très peu de temps avec un homme peu disponible, je ne me sens pas prête à assumer et à avoir un enfant. Je décide donc d’avorter.

S’ensuivent de nombreux appels à des centres IVG, au numéro national sur l’IVG (dont quelques-uns sont passés par mon copain), une visite au planning familial et puis un premier rendez-vous à l’hôpital.
Les quelques jours entre la visite au planning et le rendez-vous à l’hôpital sont longs et difficiles à vivre. Je pars en week-end (prévu de longue date) avec une association et n’en profite pas vraiment. Je pense aux jours qui m’attendent et cet embryon dans mon ventre qui me pourrit bien la vie (mal au ventre, un peu de nausées, fatigue) et que je m’efforce de ne pas considérer comme mon enfant.

Je vais rendez-vous à l’hôpital avec mon partenaire, et je décide d’utiliser la méthode médicamenteuse. Je signe le document reconnaissant que je souhaite avorter et prend le comprimé interrompant la grossesse. Nous sortons, les comprimés de cytotec dans la poche. Il fait beau, nous passons un bel et tendre après-midi dans le parc à côté de l’hôpital. La vie est belle.

24h plus tard, dernière soirée de l’année scolaire, je pense aux comprimés que je devrai prendre le lendemain. L’ambiance est pourrie, je retourne me coucher.

La journée du lendemain est longue et douloureuse. Il faut prendre les comprimés à 9h, 13h et 17h.
Je prends le premier comprimé, vomit quasiment juste après, et je commence à avoir mal au ventre. Je suis seule jusqu’à 12h30, et j’ai mal au ventre comme je n’ai jamais eu mal au ventre. Utilisatrice d’une coupe menstruelle, je n’ai pas de serviettes hygiéniques et mon stock de Doliprane est à zéro. Autant dire que mes serviettes de bain ont autant souffert que moi.

Je me rends à la photo de promo à moitié en rampant et en espérant que ça se termine vite. Je repars le plus vite possible, et retrouve mon copain qui vient d’arriver de chez lui avec des serviettes hygiéniques et du doliprane. Je prends le deuxième comprimé que je vomis aussi. La douleur est un peu moins importante grâce au doliprane et à la présence rassurante de mon partenaire. Lorsqu’il doit partir, il appelle ma meilleure amie qui prend le relais. Le troisième comprimé me fait vomir aussi.

Elle repart quelques heures plus tard. Je ne vais pas en cours le lendemain. J’ai encore mal au ventre et je saigne beaucoup. Le surlendemain, il faut bien retourner en cours (en partiel, en plus!) et donner des informations évasives sur les raisons de mon absence. Je n’arrive pas à assumer d’avoir avorté ; je prétexte avoir été très malade, type gastro quand on me demande des précisions.

Pendant les mois qui ont suivi, j’ai eu quelques périodes de regrets de cette IVG, en particulier quand je voyais des femmes enceintes ou des enfants en bas âge. Un peu de culpabilité, sur laquelle j’ai beaucoup travaillé.

Aujourd’hui, je ne culpabilise plus du tout d’avoir avorté, et, même si j’ai parfois un petit pincement au cœur quand je vois des gamins trop mignons, je me dis que, dans quelques temps, je trouverai la bonne personne et le bon moment pour avoir un enfant qui sera désiré et choisi.